Membre du Jury du Prix Philippe Maystadt depuis trois ans, Sébastien Van Drooghenbroeck en est désormais le président et succède ainsi à Françoise Tulkens. Nous l'avons rencontré afin qu'il nous partage sa vision du prix. Entretien.
Quel est votre intérêt pour ce prix, d’abord en tant que membre du jury et ensuite comme nouveau président ?
Je suis membre du jury depuis le début de la création du prix. Sur un plan strictement personnel, cela a été un enrichissement humain et une source d'apprentissage non négligeable. Ma formation est juridique, or j'ai été appelé à prendre connaissance de travaux dans toute une série de disciplines qui ne sont pas les miennes, qui appartiennent à la science de l'éducation.
Et puis, par ailleurs, je suis tout à fait convaincu de la très grande utilité de ce que l’on fait : non seulement pour permettre aux étudiants primés de valoriser leurs travaux, mais aussi pour mettre en lumière le travail des institutions et des professeurs qui encadrent ces étudiants dans l’achèvement de leurs travaux de fin de bac, de fin de master ou de leurs travaux doctoraux.
Les travaux primés, pour certains d'entre eux, ont eu un retentissement social tout à fait important et ont suscité la mise en mouvement de réflexion qui parfois ont même abouti, ou en tout cas ont contribué, à des changements de politique, que ce soit au niveau des universités, de l'enseignement ou des changements de politique tout court.
Avez-vous des exemples ?
On a récompensé un mémoire de master qui mettait en avant les difficultés que suscite la mise en œuvre du décret Paysage tel qu'il avait été imaginé au départ, avec une analyse tout à fait objective des résultats chiffrés. Ce travail a notamment pu contribuer à faire évoluer les esprits puisqu'il a reçu un écho dans l'opinion publique. Il a pu aider sur la nécessité d’ajuster la copie initiale et a aussi permis de documenter les nouvelles orientations qui ont été prises. Un autre travail évoquait les effets pervers en termes d'égalité des genres (ndlr. le prix master de cette 3e édition), des points négatifs associés au QCM. À nouveau, cela s'inscrivait dans une réflexion, d'ores et déjà menée ou en cours, au sein des établissements d'enseignement supérieur à propos de la pertinence de ces points négatifs. Ce travail a permis de documenter davantage une réflexion partagée, il a donc une pertinence sociale très importante.
Pouvez-vous nous parler un peu plus de la composition du jury ?
Celle-ci est très plurielle, très pluraliste, avec toute une série de personnes issues d'horizons divers. Il y a des personnes issues du monde de l'enseignement, à mon image par exemple, et qui sont enseignants en activité. Mais on y trouve aussi d’anciens enseignants ou des personnes anciennement impliquées dans le monde de l'enseignement ou bien encore des personnes qui nous viennent d'autres champs totalement distincts, mais qui ont toute une série d'idées, de vues sur l'avenir de l'enseignement. Je trouve aussi très important que dans le jury figurent des personnes de la Communauté flamande. L'enseignement a beau avoir été communautarisé depuis de nombreuses années, on a beau chacun avoir des politiques en la matière, les questionnements restent très souvent identiques. Et avoir la possibilité de recueillir l'écho de collègues néerlandophones sur ce qui se fait à l'université ou en haute école de l’autre côté de la frontière linguistique, c'est vraiment très intéressant.
Souhaitez-vous apporter de nouvelles impulsions au prix et mettre en place de nouvelles choses ?
Avant tout, je souhaite assurer la continuité de ce qui a déjà été bâti sous la présidence de Françoise Tulkens, parce qu'il y a là une très belle visée, une ambiance de travail tout à fait particulière dans une chaleur humaine à la fois la plus totale et la plus efficace.
Ensuite, j'espère maintenir l'intérêt que le monde étudiant apporte au prix puisqu'il y a quand même pas mal de candidatures - ça montre qu'il y a un intérêt réel, que ce prix ne passe pas du tout inaperçu.
Et enfin, à l’avenir, j’aimerais encore mieux valoriser les travaux en renforçant le dialogue entre, d’une part, le monde de l'enseignement supérieur et, d’autre part, la société, afin de montrer que certains travaux menés sont dignes d'intérêt pour toute une série de débats contemporains. Je trouve qu'il faut encore augmenter le potentiel d'échanges en la matière en poursuivant les Midis de l'ARES, qui permettent aux candidats primés de pouvoir présenter leurs travaux, et en pérennisant bien entendu l’écho que ceux-ci reçoivent dans la presse via notre partenariat avec le journal Le Soir. On pourrait également organiser une rencontre entre les lauréates et lauréats du prix et les parlementaires qui siègent en Commission de l'Enseignement supérieur au Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Une autre piste mène à la constitution de podcasts.
Ce prix s’adresse aux universités, hautes écoles et écoles supérieures des arts de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Quel est l’intérêt particulier que peut représenter chacun de ces types d’établissements pour le prix ?
Les travaux de fin d'études qui peuvent être menés à un niveau ou à un autre, que ce soit en haute école, à l'université ou en école supérieure des arts, ont tous, du moins à priori, une vocation à être intéressés par le Prix Maystadt. L'objectif, c'est le développement de la réflexion, du savoir innovant sur l'enseignement et singulièrement l'enseignement supérieur. Des travaux qui sont produits dans chacun de ces trois types d'enseignement peuvent parfaitement être pertinents.
Pourquoi est-ce important que ce prix soit hébergé au sein de l’ARES ?
Il s’agit d’une forme de garantie de pouvoir attirer l'attention du monde de l'enseignement supérieur. L’ARES joue très bien l'interface entre le monde de l'enseignement supérieur et la diffusion vers l'extérieur, tout en étant indépendante par rapport au gouvernement de la Communauté française mais avec la possibilité, au travers de ce prix, d'entre guillemets, de positionnement qui peuvent ne pas nécessairement correspondre Hic et Nune à la politique du gouvernement de la Communauté française. Ça fait partie aussi de cette capacité d'interpellation précieuse et, pour l'instant, assumée de manière tout à fait correcte et satisfaisante au travers de l'hébergement du prix par l’ARES.
Quel genre de travaux aimeriez-vous/attendez-vous à recevoir ?
Alors, il y a évidemment des sujets qui, à mon avis, vont mobiliser les esprits et les plumes : la formation initiale des enseignants, la question de l’enseignement en langue étrangère, l’exploration de l’expérience de ces deux années d’enseignement à distance, la fracture numérique… On dit toujours qu’il ne faut pas gâcher une bonne crise [la crise sanitaire]. Je trouve qu'on dispose maintenant d’un matériel pouvant être exploité : que pourrait-on valoriser comme savoir pratique qui a été développé durant la crise du COVID ? Cela peut participer à une réflexion nouvelle sur, par exemple, l'enseignement à distance à l'intention du monde carcéral ou des étudiants atteint d’une maladie qui les empêche de fréquenter les auditoires...
De manière générale, on est toujours étonné de voir la diversité des travaux et la capacité de ceux-ci à susciter un intérêt que l'on ne s'attendait pas à pouvoir porter.
Que diriez-vous à un jeune qui hésite à participer aux prix PPHM ?
Qu’il ne faut pas hésiter !
Dans le dossier de présentation, il faut évidemment avoir un bon travail au départ - mais de toute façon il y a des conditions d'éligibilité, il faut déjà avoir 16 sur 20 - mais aussi il faut pouvoir vendre son travail (au sens un peu plus noble du terme). Donc quand on fait un résumé, il faut pouvoir convier toute une série de personnes qui sont à priori curieuses et intéressées, mais qui ne sont pas spécialistes dans une histoire et être en capacité, en 3 ou 4 pages, de nous montrer l'objet de son travail : en quoi est-il original, important ? Il faut soigner son ouverture.